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10 avril 2007

Niçois et Provençaux... Histoire d'un contentieux séculaire...

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Très long contentieux en effet puisqu’il dure depuis neuf siècles… Beaucoup aujourd’hui le résument à l’antagonisme économique entre Nice et Marseille, sans en chercher les sources anciennes plus profondes. Un livre entier ne suffirait pas à dérouler en détail l’écheveau de l’histoire de Nice, et il convient de simplifier cette analyse en ne citant que des dates et faits marquants ; ils suffiront au lecteur pour comprendre la trame longuement tissée d’une « incompréhension » mutuelle qui perdure d’une manière souterraine, mais bien réelle.

On aura déjà campé le contexte en disant que les comtes de Provence et leur successeurs les rois de France ont toujours prétendu que Nice leur était inféodée et que les Niçois ne l’ont jamais accepté. Des faits historiques on ne peut plus significatifs se passent de commentaires :

-         1108. Nice proclame son indépendance et instaure le Municipe. Elle nomme ses magistrats et dispose de la liberté de juridiction.

-         1153. Raymond Béranger II, comte de Provence, se rend à Nice et manu militari dépouille le podestat et les consuls de leur dignité ; il investit l’évêque Arnaud de la pleine juridiction de la ville.

-         1157. Les Rambaud, ex-juges et consuls, reprennent le pouvoir à la suite d’élections et lèvent l’étendard de la révolte. Ils sont excommuniés mais un accord intervient après la médiation de l’archevêque d’Embrun.

-         1165. Le comte de Provence convoque ses vassaux à Tarascon pour l’hommage. Les consuls niçois déclarent qu’ils n’y sont pas soumis et se montrent disposés à résister par les armes.

-         1166. Nice insurgée s’allie aux Pisans et Raymond Béranger III promet de livrer la ville au pillage. Il met le siège devant Nice. Alors qu’il galvanise ses troupes devant les remparts, un archer niçois l’abat d’une flèche. Il meurt à 30 ans, laissant ses droits sur la Provence à son cousin Alphonse d’Aragon. Mais sa veuve épouse le comte de Toulouse qui se proclame comte de Provence. La guerre fait rage. Les Niçois s’allient avec Gênes et les consuls Riquier refusent la suzeraineté es comtes de Provence.

-         1169. Alphonse d’Aragon se dirige vers Nice avec une puissante armée. Les Niçois négocient mais n’ouvrent pas les portes de la ville. Contre argent sonnant et trébuchant, ils obtiennent la conservation de leurs privilèges ainsi que de nouveaux avantages. Alphonse Ier accepte même par avance leurs futurs privilèges !

-         1215. Les Niçois, conduits par le premier consul Miro Badat, rejettent de nouveau le comte de Provence : « rejectis etiam comitibus provinciae… ».

-          1216. Les Niçois refusent de prêter hommage…

-         1246. Charles d’Anjou et Béatrix de Provence renouvellent le traité de 1176. Le comte de Provence part en croisade et les Niçois en profitent pour se révolter de nouveau ; ils rétablissent le gouvernement consulaire.

Durant le siècle et demi suivant, l’histoire de Nice peut se décliner en guerres, obtentions et confirmations de privilèges, occupations et révoltes perpétuelles, jusqu’à l’année 1388. A cette date, Nice est toujours en guerre avec la Provence ; les troupes de la Maison d’Anjou campent déjà à Saint-Paul de Vence. Les Niçois signent alors la dédition à la Savoie pour leur échapper. Le comte de Savoie, vassal du Saint-Empire, gouverne alors le royaume d’Arles pour l’empereur, et déploie la bannière impériale quand il arrive devant Nice ; de plus la Maison d’Anjou lui est redevable d’une somme considérable ; les Angevins abandonnent donc le terrain. Le traité de dédition institue un protectorat en faveur de la Savoie et octroie de très importants privilèges supplémentaires aux Niçois ; il stipule que Nice ne pourra jamais être cédée ni vendue à quiconque et surtout pas au roi de France.

En 1481, Louis d’Anjou lègue ses droits sur la Provence à Louis XI et en 1483, les Etats d’Aix déclarent la Provence « unie pour toujours au royaume de France ». Le 10 septembre 1523 François Ier (fils de Louise de Savoie), qui désire obtenir la neutralité de la Savoie, déclare « renoncer solennellement à tous les droits que pourrait avoir la couronne de France sur Nice, au titre d’héritière du comté de Provence ». Mais en 1543, doublement parjure, le roi « Très Chrétien » s’allie aux Turcs pour assiéger Nice qui résiste, ce qui donne l’occasion à Catherine Ségurane d’entrer dans la légende. Par la suite, les rois de France tenteront toujours d’inféoder Nice. Les tentatives de Richelieu et de Mazarin échoueront mais Louis XIV réussira provisoirement de 1691 à 1696 et de 1705 à 1713. En 1706, il ferra démanteler le château de Nice dont les matériaux iront consolider les forteresses de Provence ; les Niçois cependant avaient obtenu lors de la reddition de ne pas être rattachés au gouvernement général de Provence. Pour ménager leur susceptibilité et percevoir les impôts, le roi de France se proclamera comte de Nice. Le 8 septembre 1706, les troupes françaises seront écrasées devant Turin et en 1713 le traité d’Utrecht restituera Nice à la Savoie. En 1792, Nice connaîtra de nouveau l’invasion française (et provençale) puis l’occupation jusqu’en 1814… Durant toutes ces guerres, invasions et saccages, la Provence à fourni des troupes et servi de base arrière à Paris pour attaquer Nice…

En 1860, Napoléon III obtiendra de Victor-Emmanuel II la cession de Nice et de la Savoie en échange d’une aide militaire en Italie du Nord afin de chasser les Autrichiens. Les troupes françaises entreront à Nice le 1er avril 1860 et un plébiscite truqué organisé à la hâte les 15 et 16 avril suivant, sous administration française donnera le change aux puissances européennes qui voyaient d’un très mauvais œil l’annexion de Nice et de la Savoie. Lors du plébiscite, beaucoup de Provençaux furent illégalement inscrits sur les listes électorales niçoises et ils vinrent applaudir à la place des Niçois le jour de la passation de pouvoir à la France, comme le relate le journaliste Fenochio dans une lettre célèbre.

L’on aurait pu penser que l’annexion allait clore le chapitre de l’antagonisme avec la Provence, puisque la France qu’elle soit royale, impériale ou républicaine, avait repris à son compte les prétentions provençales et qu’elle avait fini par les imposer… Il n’en fut rien… car d’une part, la France héritière du comté de Provence, avait réduit les Niçois « par la violence la corruption et la fraude » comme l’a dit Garibaldi, et d’autre part parce Napoléon III, furieux de la résistance des Niçois à l’annexion, fit tout pour rétrograder Nice, qu’il mit sous la coupe administrative et économique de la Provence, son ennemie héréditaire : il supprima les écoles de chirurgie, de médecine, de chimie, de droit, de commerce, d’agriculture, le Consiglio d’Ornato et procéda à de nombreux déplacement : le commandement de la gendarmerie et la direction des Ponts et Chaussées furent transférées ç Marseille, celui de la marine à Toulon, les locaux du Sénat furent transformée en prison, la langue niçoise fut interdite et il pilla les avoirs (plus de 2 millions) de l’archiconfrérie des pénitents noirs qui servait de caisse de secours… Nice, 4ème ville des Etats sardes, devint une préfecture française de second ordre, pieds et poings liés à la Provence, son ancienne ; trahissant les promesses de son représentant le sénateur Piétri, Napoléon le Petit acheva « l’œuvre » de Louis XIV : comme il n’avait plus de château à détruire, il supprima l’Université et la Cour d’appel de Nice, assujettissant les Niçois à celles d’Aix-en-Provence… ce qui était une humiliation de plus…

Le feu couvait sous la cendre et les Niçois étant politiquement bâillonnés, il reprit plus tard, cette fois dans le domaine culturel. Soutenu en sous-main par l’Etat français, Frédéric Mistral, avec sept poètes provençaux, avait crée le Félibrige en 1854. L’un de ses buts principaux était, officiellement du moins, d’unifier graphiquement les langages occitans, en les alignant bien sûr sur le provençal. Le mouvement tenta de s’implanter à Nice en 1880. Le 5 mars 1882 les provençaux inaugurèrent à Nice « L’Escola Bellanda » : Mistral prononça un discours sans équivoque qui révolta les vrais Niçois : « … Qui m’aurait dit alors que, peut-être trente ans après en revenant à Nice, je la trouverais française et de plus en plus provençale, avec sa vaillante « école de Bellanda » qui aborde dans l’azur de votre golfe merveilleux, le gai drapeau du Félibrige… Que toujours, belle Nice, tu t’épanouisses au soleil, pour honneur de la Provence, pour la gloire de la France… » Beaucoup de Niçois furent choqués par le fait qu’une association soit créée à Nice « pour l’honneur de la Provence et la gloire de la France » et qu’en sus, elle porte le nom de « Bellanda » (1), rasé… par les troupes françaises et provençales… !

Un long combat s’engageant entre les défenseurs de Nice et les Provençaux désireux de niveler les particularités niçoises. L’avocat et érudit Pierre Isnard, dans un discours prononcé en 1930 (pourtant en l’honneur de Mistral) adressa une flèche acérée aux Provençaux, ainsi qu’un avertissement : « … le 5 mars 1882, lors de la Maintenance de Provençale à Nice, le Varois Sardou encouragé par le gouvernement, fonde avec des étrangers à notre province, l’école Bellanda. Cette tentative impopulaire échoue, mais apporte parmi nous un trouble non encore dissipé… Nice à son particularisme qu’elle conserve avec piété et qu’elle défend âprement. Avec son comté elle est et entend rester une province spéciale… » Pierre Isnard mena à l’Académia Nissarda qui censurait souvent ses textes, une guerre de tranchée qui mérite d’être saluée ; en janvier 1927 il protesta auprès du président à propos d’une fausse étymologie « provençalisée » : « Pourquoi chercher à dénaturer notre beau dialecte pour essayer de lui donner une origine qui n’est pas la sienne ? »

La crise provoquée par la « provençalisation » du niçois arriva à son apogée et il écrivit à Joseph Giordan, secrétaire de l’association, mais également président du Caïreu, association provençale : « M. Joseph Giordan est-il avant tout le secrétaire de l’Académia, ou le président du Caïreu ? » et un peu plus tard « Quoi qu’il advienne, je demeure plus que fidèle à mon drapeau… » Un scandale éclata quand il osa publier dans son Armanach, la lettre de Fenochio qui relatait la peine des Niçois lors de la passation des pouvoirs à la France, ce qui démentait la version officielle. Louis Cappatti le soutint et une scission s’opéra au sein de l’Acadèmia, présidé par M. Roissard, baron de Bellet. Le 29 mars 1931 le Camélon titrait : « Sous la Coupole Niçoise, qui l’emportera des « Cappatistes » ou des « Belletistes » ? Le torchon brûle au sein de la docte Académie, le président est démissionnaire… » Finalement le baron pro-français démissionna et fut remplacé par le pro-Provençal Giordan… Pierre Isnard, Louis Cappatti, Stéphane Bosio, Eugène Ghis et Edmond Raynaud, la fine fleur des érudits Niçois démissionnèrent à leur tour au motif que l’esprit régnant à l’Acadèmia ne correspondait plus à leur idéal niçois…

Le second conflit mondial, l’occupation et un après-guerre difficile mirent ces problèmes en veilleuse pendant trente ans, sans pour autan les faire disparaître. Dans les années soixante, François Fontan créa à Nice le Parti National Occitan ; la personnalité de l’homme était très attachante, mais ses théories très intellectualisées sur l’ethnisme, sont demeurées confidentielles et ne sont pas entendu au-delà d’un petit cercle d’intimes ; elles n’eurent pas d’écho significatif à Nice, mais furent reprises plus tard par ses amis installés à cette Occitanie mythique et théorique qu’il avait imaginée. Il s’agissait de construire une unité politique basée sur une langue "occitane" supposé commune à de vastes régions historiquement très différentes (Provence, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine, Limousin, Auvergne, vallées italiennes…)

« L’éthnisme » est encore, à l’occasion, promu symboliquement à Nice par un artiste assez célèbre qui se veut défenseur de l’Occitanie… Il s’agit plus d’un sympathique clin d’œil à Fontan qu’il côtoyait jadis que d’un projet politique sérieux et viable compte tenu de la disparité géographique et historique des régions concernées. Le PNO en revanche existe toujours en Occitanie, dirigé lui aussi par un fidèle compagnon de Fontan dont la personnalité marqua très durablement son cercle d’intimes.

Rebondissement inattendu, le PNO a récemment proclamé à Toulouse un « gouvernement provisoire occitan » censé représenter les « sept provinces d’Occitanie ». Bien que cette initiative réponde probablement à des contingences de politique locale, le fait que la Provence soit censée dépendre de ce « gouvernement » est rédhibitoire à Nice : en effet, pour les Occitans, « Niça » appartient à la Provence, alors que les Niçois ont toujours fermement refusé sa domination politique, économique et culturelle. Vouloir inféoder Nice à ce « gouvernement » du fait qu’elle « appartiendrait » à la Provence (ne fût-ce que par une langue supposée commune, ce qui est inexact) s’apparenterait à la tentative de mainmise culturelle et morale sur Nice que Mistral tenta avec le Félibrige, soutenu en cela par le gouvernement français. Il semble que cette actualité ne soit qu’anecdotique (car ce fantoche « gouvernement du vent » est ridicule) mais elle rappelle par la force des choses de mauvais souvenirs aux Niçois qui ont toujours défendu jalousement identité et leur libertés politique…

L’ancien contentieux avec la Provence semble s’estomper aujourd’hui mais il a laissé de très profondes cicatrices dans l’inconscient collectif niçois. Ce d’autan que des problèmes récurrents demeurent, qui sont loin d’être anodins. Après une lutte difficile, l’Université a été réinstallée à Nice, mais le problème de la Cour d’Appel est toujours pendant et les Niçois réclament toujours vainement son rétablissement. L’antagonisme avec Marseille (et la Région) est toujours vivace, Nice étant toujours économiquement et administrativement défavorisée au profit de la citée phocéenne. Une féroce rivalité footbalistique avec Marseille véhicule sans doute secrètement d’anciennes rancœurs. Des Occitans déguisés en Niçois enseignent toujours un nissart provençalisé à Nice dans une petite structure, mais un lourd contentieux demeure sous-jacent et jamais pour un vrai Niçois, Nissa ne sera « Niço » ou « Niça »…

La LRLN a initié à Nice et dans l’ancien comté un courrant qui regroupe toutes les sensibilités autonomistes et indépendantistes ; en très peu de temps, ces sources souterraines réunies sont devenues un fleuve dont le niveau ne cesse de croître. Ce grand mouvement de renouveau pour Nice est devenu incontournable car il a pris une ampleur extraordinaire dans toutes les couches de la société niçoise et s’étend d’une façon exponentielle ; son but immédiat est de prendre le pouvoir municipal pour remettre de l’ordre à Nice et rendre à la ville sont caractère niçois, qu’on lui arrache chaque jour davantage ; son second objectif est de soustraire enfin la ville à la tutelle de Marseille, avant d’obtenir l’autonomie complète comme en bénéficient toutes les provinces d’Europe ; le but ultime étant pour l’avenir, l’indépendance de Nice. Privés illégalement de leurs droits jadis et considérés comme un peuple résiduel par le maire actuel, les Niçois ont perdu une bataille, mais ils ne se sont jamais soumis : comme autrefois ils ont repris la lutte…

(1)    Bellanda : Nom issu de l’objectif latin féminin bellanda : littéralement : «place sujette à être attaquée ». Après la destruction du château, la seule tour qui en restait fut qualifiée de « tour Bellanda » : la tour du château.

Communiqué de la LRLN

« Le pays de Nice n’appartient qu’à ses habitants, et non à la Provence, la LRLN ne reconnaît aucune légitimité à Nice au « Gouvernement provisoire occitan » proclamé récemment à Toulouse. Le « Premier ministre » varois de ce gouvernement qui fait suivre son nom de la mention « Pays Niçois » ne représente que lui-même et aucunement les Niçois ni l’ancien Comté »

Les Nouvelles Niçoises, avril 2007

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