Les langues régionales dans la Constitution : c’est la pierre tombale que l’on referme…
Beaucoup de gens et de jeunes en particulier ont été très heureux de l’apprendre. Mais, étant encore trop purs pour comprendre les arcanes de la politique française, il convient de les mettre en garde : ne vous réjouissez pas trop vite ! Le délégué municipal au Patrimoine niçois a crié victoire, comme s’il y était pour quelque chose et emboîtant le pas à Paris il indique que “les langues régionales ne sont pas à mettre en opposition avec la langue française”. Il faut lui rappeler que c’est le pouvoir jacobin qui a mis en opposition le français avec les langues régionales, dont le niçois. C’est lui qui a tenté par tous les moyens de détruire la langue niçoise, non l’inverse et si le responsable du Patrimoine niçois l’ignore, il ferait mieux de rendre son tablier tout de suite. Le monopole de presse niçois a titré pompeusement : “Les langues régionales dans le marbre de la Constitution”. Mazette, dans le marbre ! A une époque où même les plaques des noms de rue sont en résine ou en plastique… c’est du luxe. Malheureusement, la Constitution ne ressemble pas aux tables de la Loi ; elle a tellement été rapiécée, amendée, transformée, qu’elle ressemble plutôt à un tableau en ardoise où l’on passe un coup d’éponge ou un coup de bâton de craie selon les besoins.
L’effet médiatique de la nouvelle a été certain, c’était l’objet recherché. Nous vivons dans un siècle où tout ce que les pouvoirs en place dans divers pays ne peuvent détruire, est récupéré, désamorcé, vidé de sa substance, digéré… et envoyé aux oubliettes avec la bonne conscience hypocrite d’avoir donné une satisfaction médiatique aux peuples. Gandhi et Mandela ont été récupérés par ceux qui les avaient jetés en prison, Guevara a été récupéré par ceux qui l’ont fait assassiner et qui en ont tiré beaucoup d’argent avec des films, T-shirt, etc. Les ex-communistes russes, pour se donner une image acceptable, ont récupéré Nicolas II et sa famille alors qu’ils les ont liquidés dans une cave lors d’une tristement célèbre boucherie. Récemment on a aussi tenté de récupérer Césaire que l’on voulait fourrer au Panthéon français, alors que la France a été l’une des plus grandes puissances coloniales… Une place au Panthéon et hop, passez muscade… Pas cher payé pour des siècles de colonisation et la pratique de l’esclavage…
Les naïfs croient que cette opération médiatique va conduire la France à ratifier la Charte des langues régionales… Français, vous avez la mémoire courte… et Niçois, ne baissez pas la garde : rappelez-vous le discours de M. Sarkosy prononcé le mardi 13 mars 2007 à Besançon… Ville annexée par Louis XIV qui lui retira en plus toutes ses franchises d’impôts accordées par Charles Quint… Et que disait ce bon candidat à la présidence ? Vous n’en avez jamais entendu parler ? Nous oui… Il disait : “le patrimoine linguistique ce n’est pas seulement le français, c’est aussi l’extraordinaire richesse de ses langues région-ales…” ; ne vous réjouissez pas trop vite, c’est le chloroforme avant l’opération… “… Je ne veux pas de cette logique de confrontation avec le Français que cherchent à faire prévaloir certains indépendantistes qui veulent en finir avec l’unité française… qui reste le bien le plus précieux… Si je suis élu, je ne serai pas favorable à la Charte européenne des Langues régionales. Je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différente de la nôtre, décide qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le français. Car au-delà de la lettre des textes, il y a la dynamique des interprétations et des jurisprudences, qui peut aller très loin”. Un juge européen qui ait une autre expérience historique du problème des minorités ? il faisait sans doute allusion aux pays dont l’unité nationale résulte d’un consensus populaire comme l’Italie, l’Allemagne, la Suisse et d’autres. Evidemment dans le cas d’une libre adhésion à une nation il est inutile de dresser des miradors et des barbelés de lois pour ligoter les régions adhérentes, mais dans le cas d’annexion forcée… c’est autre chose. Donc si un juge européen appartenant à l’un des pays qui ont fait l’union nationale par un libre consensus et qui laissent une grande autonomie aux provinces, avait à juger de l’emploi des langues régionales en France en appliquant les dispositions de la Charte… Cela cisaillerait les barbelés et mettrait par terre les miradors… Donc, on ne ratifiera pas la Charte, mais rassurez-vous, on inscrira les langues régionales dans la Constitution… on les mettra dans un bocal et on vissera le couvercle. Un peu comme la devise “Liberté-Egalité-Fraternité” que l’on voit partout, elle aussi “gravée dans le marbre”, aux frontons des bâtiments officiels, et que l’on ne trouve nulle part... Et le candidat Sarkosy alors qu’il évoquait la Charte fait allusion “aux indépendantistes qui veulent en finir avec l’identité française…”. C’est un luxe de précaution ; mais de qui parlait-il ? Qui voudrait abandonner le modèle institutionnel et politique d’un pays, où il n’y a pas de chômage, où l’économie génère un bien-être général, où règne une moralité qui est un exemple pour le monde et l’univers, où l’insécurité n’existe pas, où l’immigration ne pose aucun problème, où l’on est sûr de gagner demain plus qu’aujourd’hui, où la fiscalité est légère et baisse chaque année, où les entreprises, les commençants et artisans ne sont pas ponctionnés jusqu’à la moelle, où les retraités ont une fin de vie dorée, où les handicapés sont si bien traités, où le service des postes est fabuleux, comme toutes les administrations d’ailleurs, où des politiciens honnêtes et compétents gèrent nos affaires au mieux ? Personne, voyons… Pourquoi vouloir gérer soi-même ses affaires, alors que les politiciens français le font si bien à notre place ? Et malgré ce tableau d’excellence qui assure à la France la reconnaissance éternelle de toutes les provinces qu’elle a annexées par la force au cours des siècles, mais pour leur bien évidemment, elle n’a pas ratifié la Charte qui reconnaît que “pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique est un droit imprescriptible”... alors que tous les autres pays faisant partie du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée à ce jour sauf le Portugal, la Grèce et la Belgique… La France se met donc délibérément au ban de toute la communauté internationale européenne. Le pouvoir jacobin craint donc qu’autoriser les Niçois, les Bisontins, les Bretons, les Occitans, les Basques et quelques autres à parler leur langue et à l’introduire dans les actes publics, ne les conduise à exiger illico une autonomie économique et politique. Cette crainte est l’aveu implicite que le pouvoir centralisateur français ne rassemble pas, qu’il n’est pas reconnu comme un modèle moral et économique, qu’en plusieurs siècles il n’est pas parvenu à uniformiser les identités particulières ni à les fondre dans une identité nationale théorique et que le mythe de l’indivisibilité de la république sur lequel il fonde unilatéralement ses droits n’est qu’une illusion destinée à justifier son pouvoir absolu.
Et pour les langues régionales, c’est la même opération qui a été organisée. Elles sont dans “le marbre de la Constitution”, oui mais elles vont y rester, et le marbre recouvre les tombeaux. Personne ne pourra plus se plaindre : elles sont dans la Constitution ! Cela ressemble au fameux “Empire libéral” de Napoléon le Petit, qui à la fin du régime succéda “L’Empire autoritaire” : on concède le droit de grève aux ouvriers, mais on leur interdit les associations, on laisse ouvrir de nouveau des théâtres, mais la censure veille aux pièces qu’ils programment… Depuis toujours l’Etat français a tenté de détruire les langues régionales, et nous Niçois en savons quelque chose. Malgré des moyens énormes et l’immense rouleau compresseur qui a œuvré sans relâche durant un siècle et demi chez nous et plus encore dans les autres régions, elles ne sont pas mortes ! Elles ont la vie dure. Eh bien, on va les tuer une bonne fois pour toutes : on va les inscrire dans la Constitution… Ainsi elles ressembleront aux insectes emprisonnés dans des blocs de résine qui servent de presse-papiers où aux papillons figés et cloués par des épingles dans de belles boîtes vitrées très décoratives qui donnent l’illusion du printemps dans les salons où règne un hiver éternel.
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