Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PAÏS NISSART - site officiel
blogger

00 tradu anglais  00 tradu italien2  00 tradu russe1  00 tradu espagnol

00 tradu allemand  00 tradu chinois  00 tradu portugais  00 tradu japonais

Newsletter
Archives
13 juin 2008

Célébration à Nice de l'abolition de l'esclavage devant la colonne du centenaire commémorant l'annexion de 1793

LETTRE OUVERTE D'ALAIN ROULLIER AU MAIRE DE NICE

d_cret

Nissa, 25 mai 2008

Monsieur,

Vous avez, ès qualités, et donc au nom de notre ville, célébré l’abolition de l’esclavage. Les Niçois, bien qu’ils n’aient été, à aucun moment de leur histoire, partie prenante à cette abomination pratiquée par la France et d’autres pays, n’ont pas attendu cette date pour le faire à titre individuel dans le cadre d’autres manifestations. Je l’ai fait moi-même officiellement à la tribune de l’Unesco à Paris en 1998, devant le Premier ministre et les instances internationales, en tant qu’initiateur de l’hommage à James Baldwin, projet associé à celui de “La Route de l’esclave” sur lequel travaillait l’UNESCO ; des artistes amis, Verdet, Laubiès, Nall et d’autres s’étaient joints à moi. J’ai donné des conférences à la Faculté des Lettres de Nantes, ville négrière, à la Faculté des Lettres de Nice (dont James Baldwin était Docteur Honoris Causa), à Saint-Paul-de-Vence, à Salon et dans quelques autres villes. Mais à l’époque où se mettaient en place les célébrations nationales qui ont suivi, je ne crois avoir entendu votre voix. Ce sujet, il est vrai, n’étant pas encore suffisamment médiatisé, n’intéressait pas les politiciens professionnels souvent plus avides de publicité, que de causes morales à défendre. Pour ma part, insensible à ce genre de considération, j’ai fait ce que je devais faire, discrètement et pour le seul principe.

A cette occasion, j’ai été en relation avec Aimé Césaire ; à ce propos, j’aurais trouvé plus qu’inconvenant si je n’avais pas défendu la cause noire comme je l’ai fait, d’aller me faire photographier avec lui alors qu’il était très diminué sous prétexte de lui offrir un présent. Celui que vous avez choisi pour prendre en charge le Patrimoine niçois, qui ne s’est pas, que je sache, distingué pour la défense de cette cause, n’a pas hésité à le faire, cela le regarde. Mais comme pour capter médiatiquement quelques parcelles de la notoriété du défunt, dès l’annonce du décès d’Aimé Césaire, cette photographie fut indécemment publiée comme un trophée. L’hommage à un homme si grand se serait passé de telles scories. Aimé Césaire jugea bon de m’adresser amicalement sa photographie et ses livres dédicacés, car il avait beaucoup apprécié ma biographie de James Baldwin et les principes que je défendais en tant qu’initiateur d’un projet associé à l’UNESCO pour honorer le grand écrivain, qui combattit âprement en faveur des droits de la communauté noire aux Etats-Unis et reçut la prestigieuse médaille du Centenaire de la Cathédrale Saint John the Divine en qualité de Prophète du peuple noir, Martin Luther King ayant été déclaré Messie du peuple noir.

La disparition d’Aimé Césaire, qui depuis plus d’un an était prévisible à très brève échéance, m’a beaucoup attristé mais l’idée ne m’a pas effleuré un instant de publier sur l’heure sa photographie oblitérée de la flatteuse dédicace qui m’était adressée. Se faufiler auprès de la gloire, s’honorer soi-même sous prétexte de rendre hommage à un grand humaniste au moment où tous les médias mondiaux commentent sa mort, fait preuve d’un affligeant manque de tact et à plus forte raison quand on n’a rien fait de notable pour soutenir la cause qu’il défendait. C’est toute la différence entre ceux qui ne savent exister que par les effets d’annonce et pour paraître se haussent sur la pointe des pieds à la taille des géants, et ceux qui modestement, tentent de servir et promouvoir une juste cause.

Nice ne fut jamais impliquée dans l’esclavage ; et les Niçois n’ont pas à se flageller pour la France qui l’a pratiqué et en a tiré profit. Votre initiative tardive eût cependant été louable si elle ne s’était doublée d’une incroyable incongruité.

Vous avez célébré l’abolition de l’esclavage devant le monument commémorant l’annexion de Nice par la France en 1793. Ceci est insultant pour les vrais Niçois et tout autant pour la cause que vous prétendez promouvoir. Lors de votre campagne électorale vous avez indiqué être “viscéralement Niçois”, bien qu’aucun des “héros niçois” que vous avez cité dans la même allocution ne soit niçois. Par le sang vous n’êtes Niçois que de très fraîche date et par le cœur, il semble que vous ne le soyez encore moins, puisque vous n’avez apparemment pas jugé bon d’apprendre et de respecter l’histoire de la ville que vous prétendez aimer. Ceux qui auprès de vous sont en charge de la culture niçoise et auraient dû vous éclairer, semblent ne pas connaître notre histoire plus que vous. Vous les avez choisis, délibérément, ce qui laisse déjà présager la totale indigence de votre mandature en ce qui concerne le soutien de l’identité niçoise et pire encore, je le crains, à une panbagnatisation forcenée de notre identité. Vous avez prétendu durant votre campagne électorale vouloir “construire Nice”, laquelle ne vous a pas attendu pour exister et rayonner en Europe et dans le monde, puisqu’elle est riche de vingt-cinq siècles d’histoire.

Je suis donc fondé à croire que ce que “vous aimez viscéralement” c’est une Nice désincarnée, privée de son histoire et de ses racines, une Nice virtuelle, fruit de votre imagination, qui commencerait à exister avec vous et serait appelée à servir vos intérêts politiques nationaux du fait de son importance. Mais Nice a existé avant vous et elle existera après vous et après nous tous. Vous n’avez pas à la “construire”, elle l’est déjà ; ses valeurs et traditions ont été forgées au cours des siècles et nous n’accepterons pas que des politiciens quels qu’ils soient tentent de les dénaturer ou de les faire disparaître en les dissolvant dans la déliquescence de la société française, dont nous subissons tous les jours les effets. Nos racines et nos véritables valeurs, même malmenées, sont encore un solide rempart, celles que vous vantez s’effondrent car il n’en reste plus que des mots usés à des décennies de mensonges et de compromissions.

Le premier discours de votre mandature et la commémoration de l’abolition de l’esclavage devant la colonne rappelant l’annexion de 1793 donnent le ton de votre politique à venir. Je tiens en conséquence à protester contre la falsification de notre histoire et à la dénoncer publiquement. Je me fais également l’interprète de beaucoup de Niçois dont les ancêtres comme les miens ont construit la société niçoise et aussi de ceux qui, bien qu’ils ne soient pas Niçois de souche, le sont devenus parce qu’ils aiment notre ville comme les Niçois de tous les temps l’on toujours aimé, c’est-à-dire charnellement et inconditionnellement.

Je proteste également au nom de mes ancêtres maternels, installés à Nice depuis le XIIIe siècle, qui ont fait construire entre 1243 et 1256 l’église, l’hospice et le couvent dominicains sur un terrain (sis à la place de l’actuel palais de justice), à eux offert à cet effet par Jourdan Badat, par acte notarié daté du 14 avril 1243 (EX. ARCHIVES. FATR. PRAEDIENT.NICIENSIUM) ; dans cette église fut inhumé le célèbre Romée de Villeneuve. Ce que mes ancêtres ont construit à Nice, ce sont les révolutionnaires français de 1793 dont vous vantez les bienfaits qui l’ont détruit ; et selon vous ils ont apporté ici “les valeurs de France”. Vous comprendrez que je conteste formellement vos affirmations. Je les conteste non seulement en tant qu’historien, mais aussi en qualité de descendant direct des victimes de ceux que vous honorez. Je suis donc d’autant plus intéressé à la défense de la vérité.

Le fait que ma famille maternelle ait figuré à l’Armorial de Provence dès le XIIe siècle et également à l’Armorial du Comté de Nice au XIIIe explique que nous ne puissions pas aimer Nice de la même manière. Sept siècles de nissartitude me permettent, je pense, de l’aimer différemment que vous et surtout mieux que vous. J’associe également à ma protestation publique tous les ancêtres maternels de mon père, qui appartenaient à d’antiques familles de Breil et de Sospel, ville qui, comme vous l’ignorez probablement, a fourni jadis les valeureux équipages victorieux à Lépante. Je sais mieux que personne qu’en évoquant ses aïeux il ne faut pas chercher les fruits dans les racines mais dans les branches et personnellement je me suis toujours efforcé d’en faire éclore pour Nice.

J’ai cité ma famille car je connais son histoire et surtout parce qu’elle est plus directement concernée que moi par ce que vous avez affirmé faussement : elle a subi à cette époque ce que je dénonce aujourd’hui. Mais des milliers de Niçois qui sont dans mon cas pourraient en dire tout autant car leurs ancêtres ont été traités de même et nous tous en subissons les conséquences. Ces êtres disparus parlent par ma bouche et vous demandent des comptes sur vos propos. Ils ont été victimes d’invasion, de crimes, d’outrages, de spoliations, d’humiliations et d’injustices ; ils me crient du fond des temps à moi qui suis vivant de ne pas me taire ; ils m’exhortent à dénoncer les mensonges et les falsifications historiques que subissent les Niçois depuis 1860, lesquelles ont pour but de détruire la véritable identité niçoise et à défaut de la transformer en caricature pour touristes. Nice est riche d’une histoire séculaire, ce n’est pas un camp de vacances ouvert en 1860 par la France pour que les Parisiens viennent y passer l’été.

Ce sont mes ancêtres, et non les vôtres que vous insultez en honorant officiellement leurs bourreaux. En foulant cette terre, vous marchez sur leurs os, en mentant sur leur histoire, vous les outragez. Je ne peux donc demeurer muet devant l’incroyable incongruité qui a été commise et il ne sera pas dit que la voix d’un Niçois ne s’est pas élevée pour protester publiquement. Le monument rappelant le centenaire de l’invasion révolutionnaire du Pays de Nice et l’annexion de 1793, commémore aussi, par le fait, tout ce que cette invasion a généré ici de crimes, de turpitudes et d’ignominies. La liste serait très longue de ce qu’ont subi nos aïeux à cette occasion et il faut la résumer : invasion, dictature, pillage des objets précieux dans les églises ; les comptes rendus officiels font état de 525 kg d’or, d’argent et de vermeil fondu “sans compter ce qui n’avait pas encore pesé”, sans compter surtout ce qui a été dérobé par les Commissaires spoliateurs ; on peut évaluer le montant des confiscations et vols commis par ceux que vous honorez à mille kilos de métal précieux, d’une valeur plus que décuplée puisqu’il s’agissait d’œuvres d’art, non seulement volées mais fondues et transformées en monnaie pour payer la solde des troupes d’occupation. Il y eut ensuite la confiscation des métaux précieux appartenant à des particuliers, les emprunts forcés, les contributions de guerre répétées, la confiscation des réserves de sel et de tabac, des récoltes, du bétail, du fourrage, du linge, de la farine au point que les Niçois, dont mes ancêtres, réduits à la famine, durent subir l’institution d’une carte de pain. Et Nice, pour nourrir chichement ses habitants dut se couvrir de dettes, et acheter du blé à Gênes.

Mais là ne se bornent pas les bienfaits de nos “libérateurs” que vous célébrez devant les journalistes et photographes : conscription, enrôlements forcés pour verser leur sang dans des guerres qui ne les intéressaient en rien, poursuite des réfractaires et chantage à leurs parents, tortures, pendaisons et fusillades de centaines de résistants Barbets… Faut-il apprendre au nouveau maire de Nice que le résistant Barbet François Fulconis, surnommé Lalin, qui lui est un héros niçois, fut assassiné et cloué sur la porte de la demeure de sa mère à l’Escarène, avant que son cadavre ne soit traîné à Nice pour y être exposé ; son corps mutilé fut ensuite débité en morceaux que l’on envoya dans tout le Pays de Nice à titre d’exemple. Cela rappelle étrangement les pratiques de certains bourreaux durant la dernière guerre. Sont-ce là les “valeurs que la France a amené à Nice avec elle” dont vous parliez ?

On peut ajouter à ces monstruosités l’institution d’un régime de terreur, de délation, de chantage, de contrôle des déplacements, d’humiliations, d‘extorsions et de pillage systématique, à ce point odieux qu’il provoqua même une protestation de l’abbé Grégoire, pourtant fervent révolutionnaire, qui écrivit en ces termes à la Convention Nationale : “Que sert de prêcher la liberté lorsqu’on la rend odieuse par tout ce que la lubricité a de plus effréné et le pillage de plus révoltant ? On entre dans les maisons, tout ce qui s’appelle comestible est dilapidé, on prend sa vache au malheureux montagnard, on tue ses brebis et volailles, on brise ses meubles pour le plaisir de détruire…” Compte tenu de tout cela, je ne peux vous entendre dire sans réagir que les pillards qui nous envahirent en 1792 “amenèrent avec eux les valeurs de la France”, sauf à admettre que les “valeurs” dont vous parlez sont celles que j’ai énumérées plus haut.

Le 16 juin 1799, une circulaire ministérielle du sieur de Ramel indiqua la méthode pour mieux pressurer le comté de Nice : “Les percepteurs ne pressent point [assez] les contribuables ; songez qu’ils répondent du montant de leurs rôles : poursuivez-les sur leurs biens… 103 millions étaient dus encore le 30 Pairial dernier…” En août 1799, le nouveau ministre des Finances, Bernard Lindet adressa une menaçante injonction au département, au sujet de l’emprunt forcé de 100 millions : “L’emprunt forcé ne donne presque rien dans les Alpes-Maritimes.” Le 13 avril 1802, Blanqui écrira au sous-préfet de Puget-Théniers : “Le pays est ruiné par les contributions quatre fois plus fortes que dans les autres départements ; six exercices sont en retard, partout c’est la misère et la désolation…” Les soldats volaient les récoltes et arrachaient les capotes des passants sous prétexte “qu’elles avaient été volées dans les magasins de la République”. Pour finir, nos ancêtres subirent également les conséquences des mœurs débauchées de la soldatesque révolutionnaire et les épidémies qui en découlèrent. Le maire de Nice, votre lointain prédécesseur, mandata le commissaire de police pour tenter de faire cesser les orgies qu’organisait la soldatesque en ville et de prier les soudards de ne pas jeter leurs déjections dans la rue “les particuliers étant salis par ces eaux ordurières”. L’état sanitaire de Nice était tel, que Bonifacy nota dans ses carnets : “Il y a en ville plus de 3 000 convalescents misérables.” La situation de Nice fut diplomatiquement résumée ainsi par le conseil municipal de la ville, en Thermidor An X : “La porte méridionale de la République ne peut donner qu’une piètre idée du grand Etat auquel elle appartient…”

Voilà ce que les hommes que vous honorez ont fait subir à nos aïeux. Voilà, en conséquence, ce que représente pour les vrais Niçois le monument commémorant l’annexion de 1793. S’il vous plaît d’organiser à Nice de médiatiques cérémonies de repentance, c’est en mémoire des victimes niçoises de l’envahisseur français qu’il faut déposer des gerbes, et non devant le monument honorant leurs bourreaux. Peu avant l’érection de cette colonne, l’avocat et journaliste niçois Joseph André titra dans son journal : “Ce monument est une insulte à la mémoire de nos ancêtres.” Ce n’était vraiment pas le lieu qui convenait pour célébrer l’abolition de l’esclavage, car ce monument célèbre un autre esclavage, celui des Niçois à cette époque. Mais il semble que vos interprétations de l’histoire ainsi que votre appréciation du bien et du mal soient très personnelles puisque vous n’avez pas craint de vous rendre en Angleterre pour honorer Napoléon III et de pontifier devant sa sépulture le jour où l’on fêtait les droits de l’Homme dans le monde. Comment pouvez-vous justifier moralement de célébrer l’abolition de l’esclavage et d’honorer en même temps Napoléon III qui après son sanglant coup d’Etat s’empressa d’exiler sous peine de déportation en cas retour, le député Schoelcher qui justement fit abolir l’esclavage en France et était cité comme modèle par Aimé Césaire ?

L’Histoire n’est-elle donc pour vous qu’une suite de noms et de dates vides de sens, que l’on peut utiliser selon ses besoins, à des fins médiatiques ? Un vulgaire support prétexte à publicité dans la presse : qu’importe ce que l’on célèbre pourvu qu’il y ait une photo le lendemain dans les journaux ? Si c’est le cas, choisissez bien ce qu’il convient de célébrer, car tout le monde n’a pas perdu la mémoire. En l’occurrence vos choix, en plus d’être détestables sont sélectifs, et n’incluent apparemment pas les héros Niçois, puisque vous n’avez pas célébré dignement le bicentenaire de la naissance de Garibaldi. Il est vrai que l’oubli et l’inculture, fruits amers de ces temps décadents, ont fait leur œuvre, ce qui laisse à certains le champ libre pour utiliser l’Histoire à des fins personnelles en la falsifiant ; mais ceux qui veulent ignorer que derrière ces noms, ces évènements et ces dates sur un calendrier, il y a la vie, les joies et les souffrances de milliers de femmes et hommes disparus, ceux qui outragent les morts en niant ce qu’ils ont subi en paieront fatalement un jour le prix, car des liens invisibles existent entre ce qui a été et ce qui est. Les disparus existent en nous, les volcans ne sont jamais réellement éteints, ils sommeillent comme le feu couve sous la cendre.

J’en viens pour terminer à la célébration de l’abolition de l’esclavage devant le monument édifié pour rappeler l’annexion de Nice par la France en 1793. J’ai dit plus haut que c’était une incongruité pour la cause noire, et le mot est bien faible, scandaleux eût été plus exact. A cette occasion vous vous êtes gargarisé de formules creuses indiquant que cette colonne “symbolisait le rattachement (!) de Nice à la France qui a apporté avec lui toutes ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité”. Eh bien ce que vous ignorez ou ne voulez surtout pas savoir, je vais vous l’apprendre ou vous le rappeler, j’en ai le droit en tant qu’historien et également le devoir, parce que je suis Niçois d’antique souche : les révolutionnaires français qui envahirent le Pays de Nice en 1792 et l’annexèrent en 1793, outre les exactions en tout genre sommairement explicitées plus haut ont aussi imposé aux Niçois des pratiques racistes qui n’avaient jamais existé auparavant à Nice.

Le fait d’appartenir à une très ancienne famille niçoise qui a conservé ses archives et les a enrichies de siècle en siècle, ce que je fais encore aujourd’hui, me permet de prendre les falsificateurs de notre histoire en défaut. Dorénavant, dès qu’un mensonge sur l’histoire de Nice sera mis en avant par quiconque, je tirerai de mes archives les preuves du contraire et les rendrai publiques. Les falsificateurs prendront ainsi le risque d’être confondus, ridiculisés et déconsidérés devant l’opinion publique.

Il est vrai que la falsification de l’histoire de Nice, convient sans doute aux “Niçois administratifs” de passage et qu’elle est délicieuse aux oreilles de ceux qui nous jalousent et nous critiquent tout en profitant de ce que leur apporte Nice. Mais répétés inlassablement sur tous les modes et à toutes occasions, ces mensonges sont devenus intolérables et offensants pour les vrais Niçois et ceux qui le sont devenus parce qu’ils aiment Nice, adhérent à son passé et sont soucieux de son avenir. Il convient de mettre fin au véritable génocide culturel et historique que subissent les Niçois ; il est grand temps de prendre systématiquement les menteurs la langue dans le sac. J’ai longtemps hésité à rendre publics certains documents, mais votre désir de réhabiliter un dictateur et vos affirmations d’aujourd’hui sur les “valeurs de la France” prétendument introduites à Nice par l’invasion française m’y contraignent. J’ai donc l’honneur de vous contredire publiquement et d’expliquer aux Niçoises, aux Niçois et aux donneurs de leçon d’outre-Var pourquoi la célébration de l’abolition de l’esclavage devant le monument dédié aux envahisseurs de 1792 est outrageante pour la cause célébrée.

Vous avez, Monsieur, célébré l’abolition de l’esclavage devant la “colonne du centenaire” inaugurée 4 mars 1896, laquelle comme chacun sait, commémore l’annexion française de 1793 ; or, durant cette annexion, la France en guise de “liberté, d’égalité et de fraternité”, imposa cette loi ignoble aux Niçois :

“LIBERTE - EGALITE

Nice, le 11 Pluviôse, an IIe de la République française, une et indivisible.

Le Préfet du département des Alpes-Maritimes aux maires et Adjoints des Communes du Département : Le Grand Juge, Ministre de la Justice, vient de me faire connaître, Citoyens, l’intention où est le Gouvernement qu’il ne soit reçu aucun acte de mariage entre des blancs et des négresses, ni entre des nègres et des blanches. Vous voudrez bien vous conformer exactement à cette décision. Je vous prie d’accuser réception de la présente au Sous-Préfet de votre arrondissement. Je vous salue. Signé : CHATEAUNEUF RANDON.”

Comme chacun pourra le constater, c’est au nom de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, dont tous les politicards français ont plein la bouche, qu’a été édictée cette loi raciste qui préfigure celles du régime de Vichy. Et c’est devant la colonne dédiée à ceux qui ont institué cette loi méprisable, imposant le racisme aux Niçois qui de tout temps furent très tolérants, que vous avez osé célébrer l’abolition de l’esclavage ! Un comble ! Le maire de Nice et la France n’en sortent vraiment pas grandis.

Vous comprendrez mieux ainsi, Monsieur, que les vrais Niçois, qu’ils soient de souche ou de cœur, préfèrent les valeurs niçoises à celles que, selon vous, “la France a amenées à Nice avec elle” lors de première annexion. Comme je l’ai dit plus haut, je dispose, fort heureusement pour la vérité historique et malheureusement pour les falsificateurs, d’une multitude de documents, lois et décrets originaux de la même nature qui prouvent on ne peut mieux combien fut odieuse, dans tous les domaines, l’occupation française à Nice. Celui que je divulgue aujourd’hui est le premier, mais si les falsifications de l’histoire de Nice devaient persister, j’en publierai beaucoup d’autres. Et pour que nul ne puisse les ignorer j’en ferai distribuer suffisamment en ville. Les fêtes que vous comptez organiser en l’honneur de Napoléon le Petit et la commémoration du 150e anniversaire de la seconde annexion de Nice m’en fourniront une parfaite occasion.

Ces documents dans leur nudité crue parleront mieux que moi : ils n’ont besoin ni de phrases, ni de commentaires. Les fêtes de bastringue tourneront court et les sourires de ceux qui se félicitent déjà à l’idée de l’opération médiatico-mensongère qui se prépare se figeront sur leurs lèvres quand je publierai la longue liste des fusillés au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité d’autant que leurs familles existent encore à Nice. Sachant cela, et dès ce jour, chacun prendra ses responsabilités avant de mentir sur notre histoire. L’une de vos adjointes qui récemment poursuivait de son ire un président de Comité de quartier (déjà… !) a déclaré à cette occasion : “... Il est incompréhensible et indigne de la part de tout représentant de déformer la réalité des faits”. Je pense que vous devriez méditer cette phrase car elle pourrait vous revenir de nouveau comme un boomerang.

J’ai toujours respecté la magistrature suprême de notre ville en tant qu’institution, mais ne cultivant pas l’hypocrisie je ne peux adresser mes salutations à celui qui en est momentanément en charge car il veut faire réhabiliter un dictateur qui renversa la république dans le sang et célèbre l’abolition de l’esclavage devant le monument érigé à la gloire de ceux qui imposèrent le racisme aux Niçois. Ce n’est pas l’idée que je me fais et que beaucoup se font d’un maire de Nice.

Les Nouvelles Niçoises, mai-juin 2008

Publicité
Commentaires
Publicité