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9 septembre 2009

8 février 1871, Garibaldi est élu député de Nice

L’empire s’effondre

Le 4 septembre 1870, le second empire s’effondrait dans la défaite et la honte. Napoléon III enfermé dans Sedan s’était rendu aux prussiens, la France était envahie et Paris menacé. Le gouvernement de la Défense nationale s’était replié à Tours et l’assemblée nationale à Bordeaux. La situation militaire s’était aggravée les mois suivants, et dans la capitale assiégée et affamée, les Parisiens mangeaient des rats, après avoir dévoré tous les animaux du jardin des plantes.

bataille_dijon Garibaldi, bien que malade était accouru de Caprera pour aider la république et avait levé un important corps de volontaires ; nommé général auxiliaire il avait pris à Dôle le commandement de l’armée des Vosges. C’est le seul général qui durant cette campagne prit un drapeau aux prussiens, celui du 61ème poméranien

Baptême de la place Garibaldi et dictature à Nice

A Nice la situation était tendue ; dès l’annonce de la chute de l’Empire, par une dépêche télégraphique de Gambetta le 4 septembre au soir, ce fut une explosion de joie. Les Niçois, brimés pendant dix ans par la dictature impériale se soulevèrent. Le préfet ordonna au commandement de Saint-Quentin d’instaurer l’état de siège, mais sa proclamation aussitôt affichée sur les murs de la ville fut arrachée et les écussons impériaux partout arrachés ou martelés. Le peuple se porta en masse sur la place Napoléon, mit en pièces les plaques portant le nom et les armes de l’empereur et baptisa lui-même cette place au nom de son héros : Garibaldi.

L’administration servile et corrompue du maire François Malausséna s’évanouit en fumée et l’agitation ne cessa point car le peuple réclamait l’abrogation du traité de Turin qui avait permis l’annexion de Nice suite à un plébiscite truqué et à une occupation militaire. Le 24 septembre, le nouveau préfet, Baragnon pour bâillonner l’opposition sécessionniste niçoise, suspendit toutes les libertés publiques et, au nom de la République, instaura la dictature à Nice.

Garibaldi accepte d’être candidat à Nice

Les Niçois espéraient beaucoup en Garibaldi, qui en 1860 avait défendu Nice et ils s’interrogeaient sur sa présence en France. Vérani-Masin lui écrivit de Nice afin de lui demander « si son séjour en France devait être considéré comme un acte hostile à l’agitation des Niçois qui veulent revenir sur le traité et le plébiscite de 1860 ». Garibaldi répondit de Dôle, le 21 octobre : « La cause de la France précipitée dans le malheur par un vil despote est une cause sacrée à l’humanité toute entière. Vous connaissez mes principes et vous savez aussi ce que je pense de mon pays natal, mais je ne veux en aucune façon nuire à la République française. »

L’allusion à son combat contre l’annexion de Nice était claire. Le 6 novembre parut le journal séparatiste Il Diritto di Nizza dont le directeur était l’avocat journaliste Joseph André. Garibaldi fut de nouveau sollicité afin qu’il exprime son opinion sur le destin de Nice. Garibaldi répondit « qu’il ne combattait pas uniquement pour la république française, mais pour une république européenne qui réserverait à Nice indépendante un sort particulier ». Il précisera plus tard sa pensée : « Union complète des nations libres basée sur un pacte social dont le premier article serait l’impossibilité de la guerre ; Nice deviendrait capitale de cette union européenne » et ajouta « la position géographique de notre cité, sont climat incomparable et les avantages de toutes sortes qu’elle présente me poussent à ce choix plus qu'un orgueil de clocher ».

Thiers signa un armistice le 28 janvier 1871 avec les Prussiens. Ce répit devait être mit à profit pour élire une nouvelle Assemblée nationale qui déciderait de poursuivre la guerre ou signer la paix. Les Niçois et la Commission municipale sollicitèrent Garibaldi pour les représenter et il accepta en ces termes : « J’accepte la candidature de mon pays natale et je suis fier du choix dont il m’honore ». Quatre postes de députés devant être pourvus le Diritto di Nizza soutint également les candidatures des avocats Piccon, Bergondi et Borriglione, avec mandat impératif de demander l’abrogation du traité de Turin. Le nouveau préfet Marc Dufraisse désirant faire barrage aux Séparatistes niçois se présenta aussi à la députation ; dans un premier temps, pour flatter les Niçois, il fit mine de soutenir la candidature de Garibaldi mais bien vite, il abattit son jeu et déclara : « La candidature d’un préfet de la république à Nice et celle du général Garibaldi sont radicalement incompatibles ». Le préfet usa et abusa de tous les moyens de la préfecture pour faire sa campagne et fit même inscrire sur les listes des militaires français stationnés à Villefranche.

En effet, des forces armées importantes avaient convergé vers Nice ; des bateaux de guerres chargés de fusiliers marins mouillaient à Villefranche, appuyés au sol par la gendarmerie, la cavalerie, et même des canonniers avec leurs pièces d’artillerie. Pour renforcer cet appareil guerrier, le 5 et 6 avril la Garde nationale recrutée de force dans le département fut cantonnée dans les casernes de la Darse à Villefranhce. C’est ainsi que cernés par l’armée et la flotte française, les Niçois qui comptaient bien résister, se rendirent aux urnes le 8 février 1871.

Triomphe écrasant des Séparatistes niçois

Les élections se déroulèrent dans une ambiance électrique, et la marée indépendantiste emporta tout : Garibaldi fut élu avec un écart considérable de voix : il obtint 20 314 suffrages, Bergondi fut aussi élu avec 14 275 voix ainsi que Piccon avec 13 285 voix ; le préfet Dufraisse, représentant de la République, dépité, fut élu avec 12 585 voix dont beaucoup avaient été obtenues frauduleusement. Les trois députés élus sur un programme séparatiste totalisaient 47 874 voix (73,72%) et le représentant de la république 12 585 (26,28%). Nice exulta de joie et les drapeaux blancs frappés aux armes niçoises flottaient à toutes les fenêtres.

C’était un énorme camouflet pour la France car même les anciennes communes françaises rattachées au comté pour créer le département des Alpes-Maritimes, avaient massivement voté pour l’indépendance ! En outre Garibaldi, sans s’y être formellement présenté, avait été élu dans les départements de la Côte d’or, du Doubs, de l’Algérie et de... la Seine ! Paris où six mois avant régnait Napoléon III venait d’élire Garibaldi, son ennemi juré ! Garibaldi dira « j’ai été ému jusqu’aux larmes du vote de Paris ». Le 10 février, le Diritto di Nizza titrait : « Vice Nice ! » et l’on put lire sous la plume de Joseph André « … Nice a parlé ! Mais non la Nice des Piétri et des Pillet [agents français qui avaient truqués le plébiscite de 1860]... la Nice de Ségurane et de Garibaldi ! Le citoyen Dufraisse a renié Garibaldi car il est le chef du parti séparatiste ; Nice a l’unanimité a voté Garibaldi, donc citoyen Dufraisse, et selon votre propre logique, Nice est séparatiste, Nice ne reconnaît pas l’infamie de 1860… »

Les baïonnettes françaises dans les poitrines niçoises

La République allait à Nice poursuivre la même politique que l’Empire. Le préfet fit perquisitionner les locaux du Diritto et le supprima ; il réapparut sous le titre de la Voce di Nizza lequel fut lui aussi interdit. La victoire écrasante des députés indépendantistes provoqua un grand mouvement populaire, l’attitude du préfet n’arrangea pas les choses et Nice bascula dans l’émeute. Les Niçois voulaient l’abrogation du traité de Turin et après savoir par les urnes, ils l’exigeaient dans la rue. La police, puis la gendarmerie, débordées, durent se replier dans les casernes. Le préfet Dufraisse, employant les méthodes de Louis XIV, fit installer des canons de gros calibre dans le fort du mont-Alban et sur les hauteurs afin de canonner la ville en dernier ressort et deux vaisseaux de guerre vinrent mouiller en face du port Lympia. Le préfet jeta les fusiliers marins contre les Niçois ; on avait saoulé les soldats, leur disant qu’ils allaient se battre contre les Prussiens !

nice_contemporaine Henri Sappia témoin oculaire de ces événements, raconte dans Nice contemporaine : « Des troupes de renfort sont appelées de la caserne Saint-Dominique toute proche. De là commencèrent les sifflets et l’onde de la foule, croissant, repoussa jusqu’à l’intérieur de la caserne ces vainqueurs de sedan. Dufraisse et Carré, depuis les salons dorés de la préfecture entendirent les cris et sifflets et ordonnèrent aux marins de descendre à Nice et expliquer leurs prouesses aux « Prussiens » restés à l’intérieur. Nous avons entendu de nos propres oreilles, ces gaulois dire des Niçois : Ce sont des Prussiens ! Toute la rue de la Terrasse, le Cours et la place de la préfecture sont occupés militairement et la foule débouchant sur la place Saint-Dominique, voyant le déplacement de tant de gens armés, s’infiltre dans la rue du Gouvernement. Une formation importante de marins armés de révolvers et de fusils se fait entendre, et pendant que l’on voit les vitres qui tombent en miettes et s’éparpillent, l’on entend une décharge de mousqueterie. Plusieurs badauds sont blessés et sur de nombreux murs, les traces de ces balles laissèrent de profondes traces, que nous avons voulu constater de nos yeux avant de quitter Nice […] Aux marins saouls de tant de liqueurs bues dans les celliers de la préfecture, succédèrent les gendarmes à pied et à cheval… tard dans la nuit en passant par la place Saint-Dominique et la rue du Marché pour rejoindre par l’arc du Pont-Vieux, les remparts de la place Garibaldi, nous avons pu constater de nos yeux l’ivresse où se trouvait la soldatesque ».

Le témoignage du Commandant Magnan est aussi éloquent : « Le bataillon eut à intervenir pendant ce laps de temps à Nice, de concert avec la gendarmerie locale débordée et les marins de l’Etat, pour la répression des désordres et des troubles assez inquiétants provoqués par le parti dit séparatiste… Les gardes mobilisés montrèrent de solides qualités de discipline dans l’échauffourée du 10 février qui suivit l’élection de Garibaldi à la députation des Alpes-Maritimes et qui faillit dégénérer en une émeute sanguinaire ».

En effet ce bataillon composé de recrues des Alpes-Maritimes faillit passer à l’insurrection et pour le punir on l’envoya quelques jours Algérie pendant un mois. Le préfet fit arrêter plus de deux cent personnes dont beaucoup de notables : avocats, négociants, commerçants : ils furent traînés sur les bateaux ancrés à Villefranche. Beaucoup de Niçois furent déportés dans des prisons lointaines où à l’île de Sainte-Marguerite. Dufraisse n’en resta pas là, il lança un mandat d’arrêt contre l’avocat Borriglione, candidat conçurent non élu, qui réussit de justesse à s’enfuir à Gênes... « Les baïonnettes française dans les poitrines niçoises » comme dira Sappia, confisquèrent le vote séparatiste de Nice… Dufraisse élu député frauduleusement fut invalidé par l’Assemblée à la suite du discours de Piccon qui l’accusa d’être responsable des émeutes : mince satisfaction pour les Niçois qui pour la seconde fois en onze ans se virent privés de leur liberté par la force des armes. Officiellement, cet épisode n’existe pas dans l’histoire de Nice telle qu’elle est enseignée par l’université française. La presse italienne qualifiera pourtant l’insurrection de « Vêpres nissardes » allusion aux « Vêpres siciliennes » de 1282 au cours desquelles les Siciliens massacrèrent les occupants français.

L’invalidation de Garibaldi

garibaldi_assembl_e_bordeauxLe 12 février l’assemblée de Bordeaux se réunit en séance préliminaire dans le Théâtre de cette ville ; 300 députés étaient présents ce qui ne représentait que la moitié du Corps législatif, les autres étaient attendus le lendemain. A deux heures précises, Garibaldi, quintuple député, simplement vêtu de sa chemise rouge, d’un poncho et d’un chapeau de feutre monta lentement les marches du grand Théâtre accompagné par Esquiros élu député de Marseille. Le peuple emplissait entièrement les tribunes réservées au public. Garibaldi avait connaissance des événements de Nice et savait que la Chambre où siégeaient beaucoup d’orléanistes, de légitimiste cléricaux et de bonapartiste allaient l’invalider sous le prétexte qu’il était sujet italien. L’accueil fut houleux : les députés lui crièrent « Le chapeau ! le chapeau ! » ; le peuple couvrit leur voix : « Vive le héros des Deux Mondes ! » ; Garibaldi ne se découvrit pas. Il se dirigea vers le président et lui remit deux billets. Le vieux comte Benoît d’Azy, très conservateur et à demi momifié, déplia les billets et les lut avec satisfaction : « Au ministre de la guerre. Ayant été honoré par le gouvernement de la Défense nationale du commandement d’un Corps d’armée, et voyant ma mission terminée, je demande ma démission. Signé Garibaldi », « Au président de la Chambre. Pour remplir un dernies devoir envers la République, je suis venu à Bordeaux où siègent les représentants de la nation, mais je renonce au mandat dont m’ont honoré divers départements. Signé Garibaldi ».

Il privait ainsi les députés réactionnaires du plaisir de lui infliger l’affront qu’ils projetaient de lui faire ; il évitait surtout à la France de se couvrir de honte. Puis il s’assit et assista en silence à la séance. Quand les débats furent terminées, il se leva, se découvrit et demanda l’autorisation de monter à la tribune pour prononcer une courte allocution. Il désirait simplement recommander à l’Assemblée tous les volontaires étrangers qui avaient combattu pour la France ainsi que les veuves et les orphelins. Le président apostropha violemment Garibaldi « Que voulez vous ? la séance est close ! » Esquiros hurla d’une voix forte « Oh, oh là messieurs, Garibaldi veut parler !! ». Comme les députés faisaient mine de sortir, des cris s’élevèrent des tribunes : « Ecoutez ! Ecoutez ! Vous tremblez d’entendre la vérité !! C’est Garibaldi qui parlera, bous êtes des poltrons !!! ». Le président confirma : « la séance est close ! » les crient redoublèrent : « Comment close !! Députés vendus et peureux ! » et encore « Majorité de manants et d’impérialistes, écoutez la voix de la nation !!! ». le silence se dit mais Garibaldi attendait l’autorisation du président pour parler. Il ne l’obtint pas. Le tumulte reprit et s’amplifia. Le président se couvrit et à se signe, les députés s’esquivèrent sous les insultes qui fusaient des tribunes, Garibaldi laissa tomber à mi-voix : « Ingrate France » et il sortit talonné par le petit M. Thiers. Quand il passa devant le piquet d’honneur, les gardes nationaux se figèrent au garde à vous et lui présentèrent les armes. Thiers, furieux tança l’officier : « pourquoi ? » Celui-ci lui répliqua d’un ton sec et sans réplique : « Garibaldi est député, il s’est battu pour la France et il a pris un drapeau aux Prussiens ». Thiers qui ne s’était battu que dans les bureaux, qui avait jeté les fusiliers marins contre les Niçois et bientôt allait faire massacrer les parisiens durant la Commune, demeura sans voix, blême de rage.

L’hommage du peuple

Au dehors la foule, ignorant l’incident, attendait Garibaldi et lui fit une formidable ovation. Méprisant l’injure qui lui avait été faite et ne voulant pas créer de divisions, il exalta « la république loyale et honnête » et cria « Vive la France républicaine ». Des milliers de voix le suppliaient « ne nous quittez pas, ne nous abandonnez pas ! » Mais la voiture du général se fraya un chemin dans la multitude et il regagna son hôtel ; une délégation de députés de gauche vint, sans succès, le prier de rester : arriva le fils et le secrétaire de Victor Hugo ; une dépêche annonça la venue de Victor Hugo lui-même et de Ledru-Rollin. Mais Garibaldi, ulcéré, repartit dès sept heures pour Caprera via Marseille. Il donna des instructions à ses proches pour secourir les blessés de son armée et demanda que l’on dressa la liste des volontaires étrangers qui s’étaient battus pour la France. A l’embarcadère de Marseille, une autre foule l’attendait. Il prononça un court discours : « Que la France tâche de sauver la république et tout pourra se réparer… ». Ses derniers mots sur le sol français furent : « Vive la République universelle !! » Puis il embarqua pour Gênes et Caprera. Victor Hugo, lui aussi élu député, interpela violemment ses collègues le lendemain à la Chambre et démissionna pour protester contre l’affront faut au héros des Deux-Mondes. Emile Zola condamna violemment les députés de Bordeaux. A Nice, ce fut l’explosion de colère car Garibaldi était vénéré et Nice réduite par les armes venait encore d’être insultée à travers sa personne. Plus tard le député Bergondi se suicida : selon la version officielle il était « mélancolique ». Quand à Piccon, il dut faire profil bas pour ne pas être invalidé et eut à subir les moqueries des députés français qui brocardaient férocement son accent niçois… Le séparatisme était décapité ; pour un temps et en apparence du moins…

Les conséquences aujourd’hui

L’invasion militaire de Nice en 1871 et tous ces événements marquèrent très profondément l’inconscient collectif Niçois, et durant des générations, la détestation du jacobinisme parisien se transmit secrètement dans les familles de vrais Niçois ; exprimée de diverses manières, et aggravée par d’incessantes brimades, elle conduisit les Niçois à cultiver un particularisme indomptable. Il n’est donc pas étonnant qu’un vent de révolte souffle actuellement à Nice ; il est dû à la situation actuelle qui est catastrophique, mais aussi à ce contentieux toujours pendant dont on a oublié les détails, mais qui a laissé un profond sillon dans la conscience nationale niçoise…. Aujourd’hui les Niçois se réapproprient leur histoire, les jeunes demandent des comptes et la liberté pour Nice… D’instinct, ils reprennent le combat de leurs ancêtres, ce qui prouve que l’identité niçoise qui a longtemps couvé sous la cendre est plus solide que jamais ; ni les baïonnettes, ni la falsification de l’Histoire, ni l’assimilation forcée, ni l’implantation massive d’éléments étrangers à Nice, organisée à dessein n’ont pu la détruire… Et le système responsable de toutes ces agressions, indignités et malfaisances va maintenant connaître un retour de flamme juste et mérité…

 

 

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