M. Estrosi, ministre de la République, veut faire « réhabiliter » Napoléon III… qui la renversa !!!
Monsieur Estrosi non seulement veut faire réhabiliter ce sinistre personnage, honni depuis un siècle et demi, mais en plus il projette, dans le cadre du 150e anniversaire du « rattachement » de Nice à la France, qui fut une annexion frauduleuse, faite sous occupation militaire, de « fleurir le pont Napoléon III » ; gageons que ces fleurs vont faner dans la journée. Cette idée n’a pu germer que dans l’esprit, d’un homme pour le moins inconséquent et ignorant totalement l’histoire de France et celle de Nice. Napoléon le Petit, était un spécialiste des plébiscites truqués, et il se maintint au pouvoir de la sorte. Nous parlerons en temps voulu des fraudes scandaleuses qui eurent lieu à Nice en 1860, et nous évoquerons celui qu’il organisa après son sanglant coup d’État du 2 décembre 1851.
Avant d’écouter la voix immense de Victor Hugo, rappelons les faits : A la mi-novembre 1851, Louis- Napoléon, président de la République, criblé de dettes, (et dont le mandat non renouvelable arrivait à terme peu après), avait fait soustraire par Casabianca, ministre des finances nommé pour une semaine (!), la somme de 20 millions en or à la Banque de France, afin d’acheter des généraux corrompus. Le 2 décembre, trahissant son serment, et avec leur aide, il renversa la République !
Du 2 au 5 décembre des milliers de parisiens soulevés furent atrocement mitraillés et massacrés sur les barricades et les boulevards ; le « Petit » installa un gouvernement dictatorial que Victor Hugo qualifia de « main baignée de sang qui trempe le doigt dans l’eau bénite ». Un décret du 9 janvier suivant décima la représentation nationale : 4 députés furent déportés à Cayenne et 1 en Algérie, 84 furent expulsés avec interdiction de revenir en France sous peine de déportation, dont Victor Hugo et Schoelcher qui en 1848, avait fait abolir l’esclavage (M. Estrosi célèbre l’abolition de l’esclavage, mais en même temps, honore celui qui a exilé Schoelcher qui le fit abolir ! Entre les deux personnage, il faut pourtant choisir… !) ; 18 autres députés furent assignés à résidence. Trente-deux départements furent mis en état de siège et des colonnes infernales traquèrent partout les républicains et les fusillèrent après de sommaires procès…
Les 20 et 21 décembre suivant, le Petit organisa un plébiscite truqué, alors que tous les républicains étaient arrêtés, traqués, en fuite et le pays sous le coup de lois d’exception. C’est Piétri, nommé préfet de police, et surnommé « la mouche à m… » par les journalistes d’opposition de l’époque (et caricaturé de la sorte), qui se chargea de la sale besogne, et le résultat fut excellent. « La mouche à m… » s’occupa plus tard, en 1860 de truquer le plébiscite d’annexion à Nice. Victor Hugo écrivit à propos de ce plébiscite truqué : « …Ah, vous me direz, M. Bonaparte, que vous n’avez pas pu faire autrement… Qu’en présence de Paris prêt à se soulever, il a bien fallu prendre un parti… Et, quant au coup d’État, que vous aviez des dettes, que vos ministres avaient des dettes, que vos aides de camp avaient des dettes, que vos valets de pied avaient des dettes, que vous répondiez de tout… Qu’on n’est pas prince, que diable, pour ne pas manger de temps en temps quelques millions de trop, qu’il faut bien s’amuser et jouir de la vie; que c’est la faute de l’Assemblée nationale qui n’a pas su comprendre cela et qui voulait vous condamner à deux maigres millions par an et qui plus est, à vous forcer de quitter le pouvoir au bout de vos quatre ans; qu’on ne peut sortir de l’Élysée pour rentrer à la prison de Clichy, que vous avez eu recours, en vain, aux petits expédients prévus par l’article 405; que les scandales s’approchaient, que la presse démagogique jasait, que l’affaire des lingots d’or allait éclater; que vous deviez du respect au nom de Napoléon, et que n’ayant pas d’autre choix, plutôt que d’être un des vulgaires escrocs du Code, vous avez mieux aimé être un des grands assassins de l’histoire…»
« Quoi, vous sortez brusquement de l’ombre, le sabre à la main et vous me dites: Vote! et vous appelez cela un scrutin ! 7 500 000 suffrages! qu’est-ce c’est ce chiffre-là? D’où sort-il? Qui a compté? Baroche! Qui a scruté: Rouher! Qui a contrôlé? Piétri! Qui a additionné? Maupas! Qui a vérifié? Trolong! Qui a proclamé? Vous… C’est à dire que la Bassesse a compté, la Platitude a scruté, la Rouerie a contrôlé, le Faux a additionné, la Vénalité a vérifié et le Mensonge a proclamé… Vous avez demandé l’absolution au vote; mais seulement vous avez oublié de vous confesser. Et en disant au vote: absous-moi, vous lui avez mis sur la tempe le canon de votre pistolet… Qu’est-ce Louis Bonaparte? C’est le parjure vivant, c’est la restriction mentale incarnée, c’est la félonie en chair et en os, c’est le faux serment coiffé d’un chapeau de général et se faisant appeler Monseigneur… ».
Et c’est également, l’homme que M. Estrosi veut faire réhabiliter et honorer en fleurissant un ouvrage qui à Nice, malheureusement et pour notre plus grande honte, porte son nom. La IIIe République déclara nuls et non avenus tous les plébiscites organisées par le Petit, sauf évidemment ceux de Nice et de Savoie… qui, comme par hasard furent considérés comme les deux seuls plébiscites valides… pour ne pas rendre la liberté aux deux peuples annexés. Laissons le mot de la fin au général de Gaulle, à qui l’on proposait en 45 de se faire plébisciter : « Vous n’y pensez pas! En France, la famille Bonaparte a rendu tout plébiscite impossible! ». Et à Nice, l’an prochain, un ouvrage portant le nom de Bonaparte le Petit, qui renversa la République, sera fleuri… par un ministre UMP ! Après toutes les palmes obtenues par l’actuel maire de Nice, il obtiendra à coup sur, celle de la moralité… mais dans le cimetière de Colombey, il risque d’y avoir… des feux follets de mécontentement...