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24 mars 2010

Mars 1860 : le traité de Turin. D'après les archives diplomatiques

napo_cartepostale

Le 1er mars 1860, Napoléon III déclarai lors de l’ouverture du Corps Législatif : « En présence de la transformation de l’Italie du Nord, qui donne à un état puissant tous les passages des Alpes, il était de mon devoir, pour la sûreté de nos frontières de réclamer les versants français des montagnes. Cette revendication de territoire de peu d’étendu n’à rien qui doive alarmer l’Europe… La France ne veut procéder à cet agrandissement, quelque faible qu’il soit, ni par une occupation militaire, ni par une insurrection provoquée, ni par de sourdes manœuvres, mais en exposant franchement la question aux grandes puissances… L’important remaniement territorial qui va avoir lieu nous donne droit à une garantie, indiquée par la nature elle même… » Napoléon III de sa propre autorité décidait donc que « le versant des montagnes alpines était français », il indiquait qu’il allait s’emparer de ces territoires « comme garantie » ; de même il prétendait qu’il n’avait pas ourdi « de sourdes manœuvres », alors que ses agents à Nice intriguaient depuis longtemps, et susurrait « qu’il n’opérerait pas une occupation armée » alors que l’armée française envahira Nice le 1er avril 1860, soit quinze jours avant le plébiscite ; de même il « n’inciterai pas à une insurrection provoquée » ; ce qui était évidemment impossible, compte tenu du peu de partisans qu’il avait dans le comté de Nice..

A Nice, ce fut l’explosion de colère : le discours du Trône de l’empereur des français comme la réponse favorable de Victor Emmanuel II étaient attentatoires aux libertés de la ville. Le journal niçois Il Nizzardo reproduisit sur sa premier page l’article de la dédition de 1388 dans lequel le chef de la Maison de Savoie s’engageait pour lui et ses successeurs « A ne jamais aliéner Nice en faveur de n’importe quel prince que ce soit et encore moins au roi de France ». Cavour se plaignit à son ministre à Paris de l’attitude française ; le 3 il lui écrivit : « Le discours de l’empereur nous a pris à l’improviste et si nous avions été prévenus nous aurions pu préparer les esprits… mais ce qui est fait est fait, maintenant il faut combiner un moyen d’arriver au vote. En Savoie, je persiste à croire que le parti Français l’emportera. Il n’en est pas de même du comté de Nice. A moins que l’on exclue toute la vallée de la Bevéra et une portion du littoral… » Ce courrier de Cavour est fort instructif à plus d’un titre : il parle de « combine », il confirme que les Niçois ne veulent pas de l’annexion et il donne la solution au « problème » : exclure une grande partie des habitants du vote dont la portion littorale, c’est à dire la ville de Nice… C’est exactement le plan mis en pratique par les envoyés de Napoléon III

A Nice, le parti Niçois annonça pour le 4 mars au soir une manifestation monstre au Théâtre Royal. Le journal pro-français l’Avenir écrivait lui « Le doute n’est plus permis sur l’annexion… Certains agitateurs croyant peut-être faire reculer le gouvernement français et changer la face des évènements, pousse ouvertement au désordre… » Le soir du 4 mars, le Théâtre royal était comble. L’hymne royal fut joué plusieurs fois et longuement acclamé. Après la manifestation les esprits s’échauffèrent et la foule se porta au Théâtre Tiranty ou s’étaient réunis les bourgeois pro-français. A l’entracte, la plantureuse Marie Maubrun déclama avec des trémolos dans la voix « Nice française » que son amant Théodore de Banville avait composé pour bénéficier des faveurs impériales. Outre le fait que ce texte insipide ne fait pas honneur à son auteur, il rappelait de très mauvais souvenir aux Niçois ; au passage : « Napoléon, ce nom vit encore en nos âmes » des sifflets retentirent ainsi que des cris « Vive le roi ! Vive Orsini » La guerre des Théâtres et les manifestations se poursuivirent durant tout le mois… Banville écrivait des odes pro-française, mais résidait prudemment à Monaco, laissant à sa maîtresse le risque de les déclamer à Nice. Les écrivains Niçois lui répondaient dans La Gazette d’Arson par des vers le ridiculisant… Cavour était dans une situation difficile du fait de la résistance des Niçois ; Bixio son envoyé à Paris lui adressa une missive qui faisait état de la nervosité du gouvernement « … je dois vous le dire, le gouvernement français veut la Savoie et Nice ; il les veut sur le champ, puisqu’il sait qu’il les aura… On veut de nous une cession dans une forme inconstitutionnelle, mais on le veut si fermement que dans ma conviction,  il faut que vous l’accordiez sur le champ, avec bonne grâce, de manière à avoir le mérite de la concession faite… Il faut que vous rendiez à l’Italie un immense service, il faut que vous ayez le courage de faire une énormité, il faut que vous n’exposiez pas l’Italie et le roi aux conséquences d’un refus, il faut vous exécuter immédiatement… La raison d’Etat, le salut de l’Italie, vous font une loi de céder sur le champ la Savoie et Nice… »

A Nice, la situation se dégrada encore ; les ouvriers manifestaient en masse contre l’annexion. Le 6 mars l’ambassadeur français Talleyrand télégraphia à son ministre, Thouvenel : « Le parti italien s’agite, redouble d’intrigues, provoque des manifestations auxquelles le parti français se croit forcé de répondre. La moindre rixe peut amener de plus graves désordres et mettre en jeu le but que nous poursuivons… » L’Italie politique n’existait pas à cette époque, ce qu’il appelait « le parti italien » c’était le peuple Niçois qui refusait l’annexion. Le 7 la tension monta encore d’un cran à Nice : un libraire afficha dans sa vitrine un grand portrait du comte Félix Orsini (qui avait tenté d’assassiner Napoléon III en 1858 et avait été exécuté), sous le portrait un placard annonçait une nouvelle manifestation contre l’annexion, pour le onze au matin à l’église du Vœu. Orsini avait résidé à Nice près de la plâtrerie Léotardi à St-Pons, et son portrait disparut bientôt sous un monceau de fleurs… Le 9 mars la junte municipale (sorte d’organe de direction du Conseil municipale) se réunit : elle expédia les affaires courantes et ne procéda toujours pas à l’élection des vice-syndics, laissant ainsi les mains libres au syndic Malausséna. Le 11 à l’Eglise du Vœu, l’abbé Cougnet, l’un des rares prêtes opposé à l’annexion après avoir recommandé « calme et modération mais foi et courage » aux fidèles en fureur, célébra la messe avec une intention particulière : demander à Dieu « qu’il protège Nice de la terrible catastrophe que la menaçait ».

Le 12 mars, Victor-Emmanuel signa le second traité secret qui cédait à Nice et la Savoie à la France, étant entendu « que le gouvernement et celui du roi de Sardaigne se concerteront sur les meilleurs moyens d’apprécier et de constater la volonté populaire ». Comme les Niçois manifestaient tous les jours contre l’annexion, l’ambassadeur français Talleyrand, écrivit à son ministre : « Cavour prétend qu’à Nice, il y aura d’assez grandes difficultés à surmonter… Je crois qu’il serait grand temps d’aviser au moyen de faire prévaloir notre influence dans cette province… ». L’empereur dépêcha alors à Nice son homme de main Piétri (ancien préfet de police de Paris, puis sénateur) avec tous pouvoirs et un crédit illimité ; Piétri était le spécialiste des plébiscite truqués sur lesquelles reposa le second Empire….

cavour

Le 15 mars, la junte municipale se réunit d’urgence et décida à l’unanimité (sauf Auguste Gal) sur la demande du chevalier Gonzague Arson d’envoyer une délégation au roi afin de demander la neutralisation du comté pour éviter sa cession à la France. Le 20 La Gazette publia une pétition signée par 189 personnalités qui refusaient l’annexion. Les manifestations se poursuivaient à Nice et à Paris on s’impatientait. Nigra, l’ambassadeur sarde à Paris écrivit à Cavour : « … Je crains qu’un beau jour l’annexion ne se trouve faire par un décret inséré au Moniteur et par occupation militaire… M. Thouvenel m’à lu son programme sur la marche des troupes françaises et sur leur occupation de la Savoie et de Nice. Evidemment, c’est une prise de possession qu’on tente par des moyens qui ne semblent pas très honorable… » Dans un autre courrier à Cavour, il fut encore plus précis : Le gouvernement français ne voulant pas s’exposer à la possibilité d’un échec éventuel, n’admet pas la votation préalable en Savoie et à Nice. Il n’admet même pas que l’on considère dans le traité une stipulation précise sur le mode de constater le vœu des populations. Il veut une cession pure et simple… Dès le traité signé, les troupes françaises venant de Lombardie occuperaient Nice et la Savoie… On éviterait les dangers qui résultent de la condition actuelle des choses dans les pays submentionnés… »

Napoléon III voulait en finir et pas par un plébiscite, par un coup de force. Son ministre Thouvenel télégraphia à Talleyrand : « L’empereur donne l’ordre à M. le Maréchal Vaillant de commencer l’évacuation [de l’Italie] par la corniche et le Mont Cenis. M Benedetti nommé plénipotentiaire avec vous part ce soir avec pleins pouvoirs. En présence du dernier paragraphe de l’article Ier du traité, la convocation des collèges électoraux à Nice et en Savoie est impossible sans entente avec nous. » Les troupes françaises venant d’Italie allaient donc entrer à Nice par la Corniche et en Savoie par le Mont Cenis… Cavour Céda : « Je suis parfaitement d’accord sur la convenance de procéder immédiatement à la stipulation d’un traité public » Cependant, le 21 mars, L’Avenir évoqua une dépêche parvenue de Londres où le parlement voyait l’annexion d’un très mauvais œil : « M. Kinglake a déclaré aux Communes qu’il a appris que la municipalité de Nice a voté une adresse pour demander de rester unie au Piémont et si cela était incompatible avec la sécurité des frontières françaises, de former un Etat indépendant. L’adresse a été expédiée à Turin. M. Kinglake demande si le ministre à des informations à ce sujet. » Pour prendre de vitesse le parlement Anglais qui eut été favorable à l’indépendance et à la neutralisation de Nice, Napoléon III, en personne cette fois, adressa un ultimatum à peine déguisé au roi de Sardaigne : ou ce dernier cédait Nice et la Savoie, ou il le laissait seul face aux Autrichiens en Italie … : « Je désire de tout mon cœur continuer à être utile à la cause de Votre Majesté [en Italie] mais il faut qu’Elle m’aide et que la question de Nice et de la Savoie soit immédiatement tranchée. Si votre gouvernement ne prend pas des mesures énergiques en présence du mauvais vouloir que formule l’Angleterre, je prévois es plus grand malheurs, car aujourd’hui, la France ne renoncera jamais, pour rien au monde, à ces deux provinces… »

Une lettre de Bixio à Cavour indique clairement la position française : Vous voulez que le parlement [sarde] appelle les population à se prononcer elles-mêmes sur leur sort. Mais je dois vous le dire, le gouvernement français ne l’entends pas ainsi, Il veut la Savoie et Nice. Il les veut sur le champ parce qu’il sait que lorsqu’il les aura annexées à la France, les puissances qui cherchent en ce moment à entraver l’annexion prendront leur parti d’un fait accompli, et puis parce qu’il ne veut pas s’exposer à un échec possible… Je n’en finirai pas si je devais vous dire tout ce que le chauvinisme français concevra contre vous de dépit et de colère s’il était déçu dans son espoir d’annexer la Savoie et Nice… » Benedetti plénipotentiaire français fut encore plus clair : « L’empereur veut absolument Nice et la Savoie, lors même qu’il aura contre lui l’Europe entière. »

A Nice et dans le Comté, Piétri avait organisé une formidable campagne de corruption et de déstabilisation des élites et du clergé niçois, aidé par le journal pro-français l’Avenir de Nice, le Consul de France Pillet, et quelques bourgeois pro-français dont le riche banquier Tiranty ; l’or coulait à flot et les promesses encore plus ; il promit aux avocats que la Cour d’Appel serait conservée, aux notaires qu’ils feraient dix fois plus d’affaires, aux prêtes un traitement supérieur ainsi qu’une retraite dorée et aux syndics qui demandaient une fontaine pour leur villages, il en promettait deux ! Pendant que le peuple continuait à manifester son opposition à l’annexion, la délégation de la junte municipale était arrivée à Turin pour demander la neutralisation de Nice. Cavour, habille, reçut fort bien les Niçois mais leur fit attendre quelques jours l’audience royale ; le 24 mars le traité public fut publié et leur tentative devenant inutile, ils repartirent bredouilles… Une frégate française La Foudre mouillait déjà dans la rade de Villefranche.

Au théâtre Tiranty lieu de rendez vous des bourgeois pro-français, eurent lieu de graves incidents. Pendant que Marie Maubrun entonnait « le vœu de Nice », hymne célébrant l’annexion, la foule qui avait envahi le théâtre criait : Vive le roi ! Vive Orsini, mort à Napoléon ! Des marins de La Foudre présents dans la salle faillirent provoquer un incident diplomatique en s’attaquant aux Niçois et aux carabiniers sardes qui s’étaient interposés. Les marins Français se conduisaient déjà en pays conquis ce qui exaspéra davantage le peuple. Le 27 le roi signait à Turin la renonciation officielle à tous ses droits sur la Savoie et sur Nice ce qui de facto déliait les Niçois de l’engagement de 1388. En droit, ils étaient libres. Afin d’empêcher le conseil municipal de Nice de tirer des conclusions de cette renonciation en proclamant immédiatement la ville commune libre et indépendante, l’acte royal ne fut publié que le 1er avril : le même jour, les troupes d’occupation françaises pénétraient à Nice… L’annexion était faite ; il ne restait plus à Piétri qu’à truquer grossièrement le plébiscite, qui eut lieu quinze jours plus tard pour la forme, afin de donner le change aux puissances européennes, dans une ville déjà sous administration civile et militaire française…

 

 

traité turin 24 mars 1860

 

 

 

 

Dans le prochain numéro : Le plébiscite truqué.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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