L’abbé Grégoire ferait-il des émules au Conseil général ?
Cet ecclésiastique, jacobin enragé, était venu à Nice en 1793 pour promouvoir, à l’ombre de la guillotine, les idées révolutionnaires. Il commença à traiter les niçois de lâches, parce qu’ils ne voulaient pas s’enrôler dans l’armée française (alors que beaucoup s’engageaient dans la résistance armée et d’autres combattaient gratuitement dans l’armée sarde). Constatant que le Pays de Nice était tout à fait imperméable à la propagande des guillotineurs, il pensa y remédier par la suppression de l’usage du Nissart en « extirpant les jargons locaux » et en engageant une politique d’embrigadement des jeunes niçois dès l’enfance. Il écrivit à la Convention « Hâtezvous de vous emparer de la génération naissante et celle qui approche la puberté ». Plus tard les dictatures suivirent son conseil, et l’on vit ainsi les jeunesses hitlériennes et les Balilas. Ceci est à la fois de l’histoire, et une incitation la vigilance. Sans bien sûr, en arriver là, il semble que certains politiciens modernes s’attachent à forger les enfants dans le moule qui leur convient et n’hésitent pas à faire leur propre promotion auprès d’eux par le biais de l’argent public, en leur faisant de prétendus « cadeaux».
Évidemment comme ce sont de parfaits démocrates, à ce qu’ils disent, leurs intentions sont supposées être pures. Mais l’école a toujours été un espace laïque, protégé et neutre, et l’intrusion un peu trop « personnalisée » de l’un d’eux à choqué beaucoup de parents d’élèves. Ces derniers nous ont adressé la copie du cahier de correspondance et de la clef USB « offerte » par le Conseil général à leurs enfants. D’abord il ne s’agit nullement d’un « cadeau » car ce sont les parents qui financent le Conseil général par leurs impôts. Au lieu d’une mention neutre, comme il est d’usage dans ce cas, nous voyons en effet une belle photographie de M. Ciotti, qui s’adresse même paternellement à eux, alors que personne ne lui avait rien demandé. Beaucoup de parents n’ont pas apprécié cette « personnalisation » du « cadeau » qui n’en est pas un puisqu’il est payé par les derniers publics. Ainsi les têtes blondes et brunes voient tous les jours, la photographie et la prose en question, la portent dans leurs cartables, l’emmènent chez eux, etc. Les parents qui nous ont contactés ont trouvé cela tout à fait malsain et n’ont pas apprécié que le président du conseil général s’invite d’autorité dans la vie de leurs enfants, sous prétexte d’un « cadeau » et ont fait remarquer que sur les livres de prix qu’ils recevaient jadis de la Ville, ne figuraient ni le nom du maire, ni sa photo.
Le Conseil général, depuis longtemps fait sa promotion avec de grands panneaux, « Ici, le Conseil général construit, ceci ou cela » quelquefois même, derrière le panneau publicitaire il n’y a qu’un trou béant pendant longtemps. Devant les protestations on a modifié la formule « Grâce à vous, etc.. ». Là il ne s’agit que de moellons, mais en venir à hanter le carnet de correspondance de leurs enfants, avec photo et laïus à l’appui… cela ne passe pas. Espérons que ce sera la dernière fois, car les parents ont un argument frappant : s’ils n’ont plus de carnets de correspondance, ils ont des bulletins de vote…
L’affaire fait polémique sur le web ; on peut lire sur
http://partipirate.org/blogs/ogulak/2010/10/8/abus-oupropagande/ :
« Mercredi, je rejoins un groupe d’amis. Le neveu d’un ami est aussi présent. Du coin de l’oeil, je le vois avec son carnet de correspondance en train de vociférer […] ces nouveaux carnets on l’air tout celui à de plus normal mais… Déjà un simili de drapeau bleu blanc rouge sur la couverture peut passer à la limite. Le comble est rapidement atteint en page 3 de ce carnet de correspondance, puisque je me trouve face à face avec M. Ciotti en photo avec bien sûr son petit mot gentil… On se dit qu’il pousse le bouchon un pou loin, mais après tout, c’est le conseil général qui gère les collèges, donc il écrit en tant que président du conseil général etc.. Malheureusement, cette opinion a vite été balayée par la remontrance à laquelle l’élève a eu droit. N’ayant pas tout à fait les mêmes convictions que lui, sur pas mal de choses… il s’était amusé à gribouiller la photo de cet homme (en plus un barbouillage très classique, juste un gros rond noir à la place de la tête sur la photo, pas d’insultes écrites à côté où quoi que soit). Mal lui en a pris ! Un surveillant ou professeur du collège, en s’apercevant de la chose, l’expédia directement chez le principal pour recevoir une admonestation (qui eut surtout pour effet de renforcer les convictions de tout le monde). Au-delà de la rigolade, on devrait aussi se désoler. Se désoler que l’on continue insidieusement d’insuffler un esprit de la pensée unique au lieu d’inciter les collégiens à s’épanouir et appréhender le monde sous différents angles… ».
Etre sur la sellette parce que l’on n’a pas envie d’avoir sous les yeux la tête de M. Ciotti, c’est inadmissible, comme être pénalisé d’une quelconque façon parce que l’on n’appartient pas au parti au pouvoir ; car à ce compte-là et dans cette logique on peut arriver un jour à être privé du droit de vote si on ne vote pas pour comme il faut. Il y a déjà de scandaleux charcutages électoraux où l’on redessine les circonscriptions ; aux prochaines cantonales le seuil pour franchir le premier à tour a été porté à 12,5 % au lieu de dix pour éliminer des concurrents ! Et cela commence à bien faire. Ce collégien a eu de la chance car quand nos grands parents parlaient Niçois à l’école on leur faisait mordre dans un pain de savon de Marseille pour leur laver symboliquement la bouche, et on leur donnait des coups de règle sur les doigts…
Mais l’époque des canonnières est terminée et les Niçois ne se laisseront plus jamais traiter ainsi. Durant la campagne électorale de 2008, qui vous savez avait comparé M. Ciotti à une sorte de gollum, et ce dernier s’expose imprudemment à ce que les lycéens espiègles, au lieu d’oblitérer sa face qui ne fait pas l’unanimité, loin de là, par des ronds noirs, soient plus imaginatifs. Et qu’il apparaisse des centaines de gollum sur les carnets de correspondance… Ce qui entraînerait des centaines « d’admonestations » et par suite que les parents n’apprécient pas du tout cette inquisition et aillent à leur tour « admonester » sévèrement les proviseurs… Il faut que de tels abus cessent, car les dérives en génèrent d’autres. Certains politiciens qui ont la bouche pleine du mot démocratie, profitent de leur position pour user de pratiques antidémocratiques. Il ne faut pas trop s’en étonner, quand ils veulent réhabiliter Napoléon III qui renversa la république par un coup d’État sanglant… Promouvoir cet exemple est déjà déplorable. Mais à l’école la neutralité politique doit être absolue, et il faut réagir fermement à de tels abus. Les carnets « offerts », ce sont les parents qui les payent, non M. Ciotti et la seule mention du Conseil général suffit amplement. La meilleure formule serait : « Offert par vos parents ».